Madame Chiang Kai-shek by Philippe Paquet

Madame Chiang Kai-shek by Philippe Paquet

Auteur:Philippe Paquet
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Gallimard. Collection La Suite des temps.
Publié: 2010-11-07T16:00:00+00:00


LA MISSION WEDEMEYER

Le sursaut encouragea néanmoins l’Administration américaine à tenter une nouvelle démarche. Le moment était d’autant plus opportun qu’en juin Marshall présenta, à Harvard, son plan pour reconstruire l’Europe, une initiative qui visait de façon à peine déguisée à prévenir l’expansion du communisme sur un continent dévasté. La Maison-Blanche pouvait d’autant moins être en reste à l’égard de la Chine, confrontée elle aussi au péril rouge, que le lobby chinois donnait de la voix à Washington. Il s’était constitué, sous l’impulsion de Clare Boothe Luce et d’Alfred Kohlberg, en une American China Policy Association qui, dès le 24 juillet 1946, avait tiré la sonnette d’alarme en publiant un « Manifeste mandchou » au titre éloquent. La pénétration communiste en Mandchourie rappelait, selon ses auteurs, l’invasion japonaise de 1931, qui avait été le prélude à la Seconde Guerre mondiale. S’il n’était pas nécessairement convaincu de la menace d’une nouvelle déflagration planétaire, Harry Truman devait persuader la majorité républicaine au Congrès qu’il n’entendait pas livrer le peuple chinois aux hordes du Staline local. Le 9 juillet 1947, il décida donc de renvoyer en Chine le général Wedemeyer, avec pour mission d’y évaluer « la situation politique, économique, psychologique et militaire – présente et à venir ». Dans cet exercice, ajoutait le Président, le général ne devrait en aucun cas se sentir lié par ses obligations antérieures pour défendre « des programmes qui ne seraient pas compatibles avec une saine politique américaine à l’égard de la Chine[1401] ». Malgré quoi, c’est presque dans l’euphorie que Nankin l’accueillit, le 22 juillet, le gouvernement nationaliste croyant pouvoir saluer dans sa venue le signe annonciateur d’une aide inconditionnelle.

En fait de sauvetage, la visite de Wedemeyer tourna au cauchemar et prépara un enterrement de première classe pour Chiang Kai-shek et son régime. Dès le lendemain de son arrivée, alors qu’il était briefé par ses compatriotes, le général découvrit un Kuomintang qui, selon le premier secrétaire de l’ambassade, Raymond P. Ludden, ne serait guère plus qu’une « machine politique destinée à protéger les intérêts des nantis », tandis que le conseiller militaire Thomas Timberman décrirait un état-major nationaliste « fantastiquement inapte » et « plus réticent que jamais à écouter les conseils des Américains, qu’il s’agisse de tactique ou de stratégie ». Lors d’un dîner en petit comité avec le Généralissime, le soir même, Mayling n’eut pas le loisir de rasséréner un visiteur passablement décontenancé en usant du charme que le visiteur lui reconnaissait toujours : souffrante, elle fut obligée de quitter inopinément la table[1402].

Au fil de ses entretiens et de ses déplacements, Albert Wedemeyer additionna les mauvaises surprises. À Pékin, le consul des États-Unis à Changchun, Oliver Edmund Clubb, lui dépeignit une situation désespérée en Mandchourie. Dans le Sud, le général observa une corruption endémique. Mais c’est à Formose, où l’émissaire se rendit le 11 août, que le choc fut le plus violent : Wedemeyer constata que les nationalistes « avaient saigné impitoyablement » la province. Le nouveau gouverneur, Wei Tao-ming, lui parut « faible, peu



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